Le rêve et le temps

Un rêve éveillé est un voyage, dans lequel on explore des lieux imaginaires. Or l’espace et le temps finissent par se confondre. Le rêve éveillé est donc aussi un voyage dans le temps.

A noter que de la même façon en hypnothérapie il n’est pas rare de voyager au-dessus de la ligne du temps, déplacer ses ressources à travers le temps.

Le passé

Notre vécu est stocké quelque-part en nous, avec une précision qui surprend souvent notre mémoire.

Ce vécu est celui-là même que bien des thérapies cherchent à faire ressurgir, dans la logique du transfert mise en évidence par Freud. Mais plus encore dans les rêves éveillés, ce passé réapparaît nettement, à travers des symboles.

Ainsi l’imaginaire peut inviter à se replonger dans le temps de l’enfance, à recontacter ses peurs d’enfant parfois, ou encore une situation symbolique qui a laissé des traces profondes et pourtant disparues de la conscience.

Mais le rêve conduit plus loin encore souvent, dans ce temps d’avant le langage, dont on ne garde aucune image, que l’on ne peut pas dire et qui pourtant est inscrit en nous. Ce temps-là s’explore plus que tout autre par l’intermédiaire de la représentation symbolique.

Dans tous les cas, ce qui est impérativement à souligner, c’est que ce temps passé, aussi désagréable soit-il parfois, est un temps réinventé durant le rêve. Le passé est un matériau vivant, réécrit en permanence, comme un rêve nocturne finalement. On ne le connaît jamais pour ce qu’il a été, mais à travers ce que l’on en retient et ce que l’on en comprend aujourd’hui. Revenir à son passé, c’est donc le transformer. Le rêve éveillé est l’outil de cette transformation, qui évidemment se répercute dans le présent du sujet.

Nicole Fabre écrit à ce sujet, dans Au miroir des rêves : "Temps retrouvé donc, qui sort de l’ombre, s’organise, où l’on découvre toujours vivants les affects d’autrefois, où l’on parvient à relier entre eux les faits, les visages, les désirs et les plaisirs, les peines et les angoisses ; où le passé se déclare actif et réel aujourd’hui."

L’avenir

L’angoisse de la mort existe en chacun de nous, mais parfois elle finit par désorganiser le présent. Freud a évidemment été marqué par cette pulsion de mort, et nombre de ses continuateurs (André Green notamment) ont étudié ce fonctionnement inconscient dans les cures de leurs patients.

L’angoisse du temps finalement. Car après le passé (avec lequel on a commencé cet article), c’est l’avenir qui nous empêche de vivre le présent (dont il faudra au final dire quelque-chose...). Comme on l’a mentionné précédemment, le rêve éveillé permet ce déplacement du temps, ou dans le temps. Tout se mélange dans l’imaginaire, se rapproche ou s’éloigne, dans un positionnement qui relève de la liberté du sujet, dans une création permanente.

Or ce jeu avec l’ordre du temps, avec les règles bien connues de la conscience mais ignorées de l’inconscient, est libérateur. L’angoisse existentielle, dite par de nombreux symboles et surtout vécue le temps du rêve, s’évapore au fur et à mesure des séances. C’est en cela qu’une cure de rêve éveillé procure des effets thérapeutiques de long terme et irréversibles.

Deux citations sur ce thème :
 Proust : "L’homme affranchi de l’ordre du temps (...), situé hors du temps, que pourrait-il craindre de l’avenir ?"
 Nicole Fabre : "Ayant expérimenté, grâce à l’effraction de l’image actualisant le souvenir (dans le rêve éveillé), que le passé devient aussi présent que le présent, il se sait délivré du temps et de ce qui lui est lié, la finitude de la mort."

Le présent

Après tout ce cheminement, le présent devient une récompense, un cadeau offert à soi-même, et c’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’on l’appelle "présent" !